C'est entendu, l'urgence climatique nous impose de réduire - massivement et sans attendre - nos émissions de gaz à effet de serre (GES). Kempf nous rappelle à juste titre que le meilleur moyen d'y parvenir est d'engager notre société sur la voie de la décroissance de nos consommations d'énergie.

Assez rapidement, Kempf en vient à souligner l'échec du marché du carbone et son incapacité à réduire de façon significative les émissions de GES. Et pour cause ! Pour que le marché soit efficace, il est nécessaire de lui en donner les moyens. Quand on veut inciter les industriels à réduire les émissions de GES, on ne les autorise pas dans le même temps à émettre gratuitement* jusqu'à ce que le quota d'émission de carbone soit atteint. Et pourtant, c'est bien ce qu'on a fait : en cherchant à rassurer le lobby des gros émetteurs, des "fleurons" nationaux cocorico, la Commission et les Etats membres ont surtout garanti l'échec du marché.

Faillites successives d'institutions bancaires et financières, crise économique et sociale... Kempf en profite pour accuser le monde de la finance. Cette pratique qui consiste à rendre toute ou partie d'une population responsable des difficultés rencontrées par la société commence à dater.
En août 1971 déjà, Richard Nixon accusait les "spéculateurs internationaux" d'être à l'origine de la suppression de la convertibilité or-dollar et de l'effondrement du système monétaire international issu de Bretton Woods. Ceci n'ayant bien sûr rien à voir avec le fait que les Etats-Unis conduisaient à l'époque une politique monétaire laxiste, qu'ils engageaient des dépenses astronomiques dans la "Course à l'espace" ou qu'ils menaient une guerre au Viêt-Nam.
Hier comme aujourd'hui, la stigmatisation d'un bouc émissaire a l'avantage d'évacuer assez facilement la question de la responsabilité des politiques dans l'origine des échecs et des crises.

Bref, le problème de fond n'est pas d'avoir autorisé l'industrie financière à intervenir sur le marché du carbone mais bien d'avoir laissé aux gouvernements le droit d'exonérer des secteurs économiques entiers et de n'avoir pas su réduire progressivement les quotas d'émission de carbone.

gratuitement* : ne nous leurrons pas, rien n'est gratuit. la gratuité ne signifie rien d'autre que le fait de reporter un coût sur d'autres. au final, il y a toujours quelqu'un qui paie la facture.