je peux comprendre que le gouvernement cherche obtenir une relative stabilité des prix. celle-ci évite aux ménages de faire d'importantes réserves de farine par crainte de hausse importante des prix. et ça permet aux exploitants agricoles d'améliorer leur visibilité sur leurs revenus futurs, sur leurs décisions d'investissement, etc.

mais la question n'est pas de savoir s'il faut viser la stabilité des prix ou se résigner et faire avec leur volatilité. mais la réflexion du gouvernement me paraît un peu limitée..

  1. d'abord, il part de l'hypothèse que la spéculation amplifie les variations de prix. or si la spéculation consiste à réaliser des arbitrages de très court terme, c'est à dire à effectuer de nombreuses opérations d'achat-vente en jouant sur de petits écarts de prix, alors la spéculation doit rendre le marché plus liquide. et s'il est possible que les spéculateurs sur-ajustent temporairement, le temporaire ne dure pas.. en clair, la volatilité sur les marchés serait encore plus forte si on réduisait le nombre des transactions ou augmentait les coûts de transaction. m'enfin, imaginons pour l'exemple que le gouvernement a raison sur ce point.
  2. l'autre hypothèse implicite, c'est de penser que la spéculation est la cause de la volatilité. c'est un peu le pendant de l'hypothèse précédente : si on observe une forte volatilité, c'est à cause de la spéculation, donc la spéculation est à la source du problème. en 2008, les émeutes de la faim avaient éclaté un peu partout, surtout dans les pays pauvres ou émergents. on a vite montré du doigt les spéculateurs qui osaient profiter de l'augmentation rapide du prix des céréales pour réaliser des gains alors que des populations étaient affamées. on en oublierait presque de se demander pourquoi les spéculateurs pariaient ainsi sur la hausse des prix. se sont-ils levé un mardi en se persuadant que le cours du blé allait grimper ?.. ou ont-ils intégré que si la production augmentait moins vite que la demande, les prix augmenteraient nécessairement ? ah ah..

mais alors, qu'est ce qui fait que la demande augmente plus vite que l'offre ? qu'est ce qui a changé dans les fondamentaux de l'offre et de la demande ?

  • du côté de l'offre, un certain nombre de facteurs viennent éroder la production potentielle. on peut citer dans le désordre les aléas climatiques, la réduction des surfaces arables causée par la dégradation de la qualité des sols et par l'étalement urbain - lui-même permis par le faible prix de l'énergie.
  • du côté de la demande, la croissance de la consommation de viande dans les pays émergents - qui converge vers le niveau de consommation dans les pays riches. dans la mesure où la production d’1 kg de protéines animales nécessite 10 à 15 fois plus de terre agricole que la production d’1 kg de protéines végétales, l'augmentation globale de la consommation de viande contribue indirectement à celle des céréales. et le développement des agrocarburants, financés à coups de subventions et censés se substituer au pétrole concurrence les surfaces agricoles destinées à l'alimentation. le FMI estime que les agrocarburants sont responsables de 70% de la hausse du prix du maïs.

les fondamentaux expliquent en grande partie la tendance à la hausse des prix de céréales. le gouvernement a beau "stigmatiser" les spéculateurs, ceux ci ne font qu'anticiper les conséquences probables des politiques publiques, elles-même fixées par les gouvernements.

si nous réduisions notre consommation de viande, l'usage privatif de la bagnole, on lutterait efficacement contre la faim dans le monde. y est on disposé ? je me demande si comme Bush Jr, on ne pense pas que notre mode de vie n'est pas négociable. si c'est le cas, on est un con.